Nous voici arrivés à l’époque certainement la plus douloureuse pour le Père Timon. Il a 43 ans ; tout semble enfin réussir. L’uvre est bien vivante, elle essaime. La communauté religieuse commence. Le Père écrit et présente en tous lieux son uvre et sa Méthode. Et voici qu’après tant d’épreuves traversées, le Père va connaître une épreuve terrible. Il ne voulait pas qu’on en parle trop ; il l’a mise par écrit, demandant que tout cela ne soit pas divulgué, que seuls ses successeurs en est connaissance par le détail.
En 1866 un nouvel évêque est nommé à Marseille : Monseigneur Place. Il arrive de Rome où il avait des fonctions importantes dans les rouages du Vatican, et donc des connaissances.
Deux tempéraments vont se trouver face à face ! Mais surtout un cas de conscience très douloureux va se présenter, pendant plus de 10 ans, au Père Timon. Lui qui a toujours considéré que l’obéissance à ses supérieurs était le meilleur moyen d’accomplir la volonté de Dieu, va se trouver en butte aux vues de son nouvel évêque sur l’uvre et sa jeune communauté.
La chose est difficile à comprendre ! L’évêque approuve et apprécie ce qui se vit à l’uvre ; mais il a ses idées sur les projets du Père Timon ! Le Père Timon a ouvert l’école du Sacré-Cur ! L’évêque y est opposé : l’école serait un danger pour l’uvre. Mais en fait, est-elle un danger pour l’uvre du Père Timon ou pour le Petit Séminaire de l’évêque ? La question est ouverte ! Monseigneur de Mazenod avait, dès 1852, reconnu que l’uvre était l’uvre du Sacré-Cur de Jésus ainsi que la communauté religieuse qui y naîtrait ! Monseigneur Place veut faire renaître les Prêtres du Sacré-Cur ou Prêtres du Bon Pasteur…. Et donc le titre du Sacré-Cur doit être “restitué” !! Nouveau motif de conflit entre le Père Timon et l’évêque ! Conflit qui nous montre combien pour le Père Timon, le Sacré-Cur de Jésus était plus que central dans toute son uvre et son apostolat : Enlever le Cur de Jésus du cur de l’uvre c’est tuer l’uvre !
La congrégation religieuse était naissante ! Le Père Timon voulait pouvoir, sous l’autorité de l’évêque de Marseille, diriger et surtout, former, les nouveaux membres de la Congrégation selon les buts mêmes de la vocation de l’uvre et de la Congrégation. Que le Père soit le formateur des futurs pères de jeunesse ! Cela demande contact et présence plus que régulière !
L’évêque s’y oppose ! Les séminaristes de la nouvelle congrégation doivent être pensionnaires au Séminaire de Marseille ! Le Père Timon demande qu’ils soient externes ; ils suivraient les cours au Séminaire et rentreraient le soir à la communauté afin de vivre la vie religieuse avec leurs frères et recevoir une formation spécifique ! Refus de l’évêque ! Difficultés pour approuver les Constitutions de la Congrégation !
On pourrait continuer la liste, mais tout est du même genre, et concerne toujours le même objet ! A juste titre le Père Timon voit en tous ses refus un grand danger pour l’avenir de la Congrégation et de l’uvre ! C’est l’impossibilité de grandir dans la spécificité propre reconnue par Monseigneur de Mazenod en 1852 et par Rome en 1861 ! C’est l’impossibilité de grandir, de vivre ! C’est disparaître !
Le Père Timon souffre car l’évêque ne se conduit pas franchement avec lui, et même parfois d’une manière injuste. Or le Père a horreur de l’injustice ! Le Père Timon est peiné de la conduite de l’évêque à son égard ; mais peu lui importe les souffrances personnelles ! Ce qui le pousse à réagir, c’est de voir l’uvre en danger, l’avenir de l’uvre remis en question ! Alors que tout est enfin bien parti, alors que l’uvre se prépare à célébrer ses 25 ans, ne risque t-elle pas d’entrevoir un avenir plus que douteux ! Le Père Timon résume fort bien ses impressions sur la conduite de l’évêque en ses termes : « Il semblait que son but serait de nous laisser éteindre peu à peu et sans bruit en empêchant tout ce qui pourrait nous développer ».