Délégué Cantonal et Société de Statistique

A. Délégué Cantonal (21 janvier 1854)

Le Père exercera cette fonction pendant quatorze ans. Le 4 février, le Recteur Roustan lui signifiait sa nomination de « Délégué Cantonal pour la surveillance de l’Instruction primaire dans la ville de Marseille », pour trois ans. Le 6 mars lui était envoyée par l’adjoint au Maire, Honnorat, la liste des écoles avec l’invitation à s’entendre pour leur répartition. Il eut pour son compte personnel 12 écoles communales, dont 4 en ville et 8 dans les quartiers ruraux : 3 écoles publiques de garçons, 3 écoles libres de garçons, 1 école publique de filles, 5 écoles libres de filles. La lettre de l’adjoint et deux circulaires du Recteur définissaient le rôle des Délégués Cantonaux, qui avait une importance réelle : au moins deux inspections par an sur l’état des locaux, la moralité et capacité des instituteurs, la situation de l’enseignement, les locaux des écoles nouvelles à établir, la rétribution scolaire, les cumuls de fonctions de la part des instituteurs, leur avancement, la direction morale et religieuse qu’ils donnent aux élèves… Les discours de distribution de prix faits hors de chez lui furent à peu près tous prononcés par Timon David à titre de Délégué Cantonal représentant la Municipalité. Grâce aux quatorze années d’exercice de cette importante fonction,

  • le Père connut du dedans le mécanisme de l’instruction primaire et ses hommes, ses valeurs et ses faiblesses. Il s’en souvint pour écrire le chapitre de sa nouvelle ’Méthode’ (1876) sur « l’insuffisance de l’éducation par les écoles primaires actuelles ».
  • il connut aussi « les enfants du peuple sous toutes leurs phases ». Directement ou par relation, il eut des vues sur l’ensemble de la jeunesse pauvre de Marseille.
  • il connut les Frères, à qui était confiée une bonne partie de cet enseignement primaire.
  • il connut une foule de notables de toutes opinions, de qui il se concilia la sympathie, n’ayant rien (malgré ses fortes convictions) d’un esprit sectaire ou borné.
  • il fut préparé excellemment à la fondation de sa propre Ecole du Sacré Coeur.

Aussi put il, le 2 février 1874, adresser au Préfet un long plaidoyer pour le rétablissement de la Délégation Cantonale, important et annonçant par plusieurs traits la 4e partie de la “Méthode” qu’il allait publier peu après.

B. La Société de Statistique (depuis les 7 septembre et 9 novembre 1854)

Le 7 septembre 1854, le Père était admis par un vote unamine comme membre actif de la « Société de Statistique, d’Histoire et d’Archéologie de Marseille ». Cette admission avait été préparée durant l’été, et le rapport de 7 grandes pages présenté par le candidat et intitulé « Statistique des établissements de charité de Marseille », signé le 4 septembre (55) avait été jugé favorablement. Timon David avait désiré cette admission : pourquoi ? Beaucoup plus tard (1880), dans ses « Infortunes d’un auteur », il expliquera pourquoi il s’est mis à écrire : principalement, il cherchait dans l’étude une distraction : la Providence, dit il, l’a placé dans une vocation à laquelle il n’avait jamais songé et qui a fait de sa vie une longue douleur, endurée dans un cadre entièrement monotone (sans qu’il le dise, occasion pour lui d’un immense mérite). Ses directeurs spirituels (entendons, avant tout, le Père Jean du S.C.) en ont été préoccupés et on lui a conseillé diverses distractions qui toutes l’ennuyaient. La Providence lui a fait trouver « de toutes les récréations, celle qui pouvait le mieux lui convenir, en lui inspirant l’amour du travail de cabinet… Une fois cette découverte faite, je me suis mis à écrire… J’y ai trouvé une distraction absolue, j’y ai oublié mes peines, et sans négliger mes devoirs d’état, je me suis fait une récréation ». Et tout en se distrayant, il a trouvé là le moyen « de composer ouvrages importants destinés à répandre l’esprit et la méthode de notre Oeuvre. » Il est à remarquer que le même Père Jean qui le poussait dans cette direction devait le pousser aussi, à peu près dans les mêmes années, à écrire l’histoire de l’Oeuvre puis la Méthode : concordance parfaite.

Ce double but : s’assurer un exutoire par rapport aux lourdeurs de la vie d’Oeuvre, tout en procurant à l’Oeuvre elle même une nouvelle tribune, peut être reporté sur la Société de Statistique. Et d’autant plus que la recherche historique faisait partie de ses goûts profonds (qu’on se rappelle Saint Sulpice et déjà Fribourg ; la suite de son existence confirmera puissamment).

L’abbé Timon David fut donc reçu officiellement dans la séance du 9 novembre 1854, sous la présidence de M. Faucher. Sa réponse au Président qui l’accueillait confirme nos explications et ajoute une raison supplémentaire : travailler à restaurer l’alliance de la science et de la foi.

La carrière féconde du Père à la Société de Statistique dura jusqu’à sa mort. A la considérer dans son ensemble, on vient à conclure :

  • que ses travaux nombreux et divers supposent (et développèrent) chez lui les dons du statisticien, précis, homme d’ordre. « grand faiseur de listes », grand organisateur (aspect qui marque tout ce qu’il fait, et notamment sa façon de « faire l’Oeuvre »), mais aussi les dons de l’historien proprement dit : sens des vues générales qui synthétisent les faits ;
  • qu’il s’est révélé à la Société de Statistique l’homme de la charité, en entendant ce mot surtout dans un sens « social » ;
  • qu’il conçoit la vie intellectuelle comme orientée vers la pratique, au service du « bien » ;
  • qu’il se montre très « marseillais », très attaché à sa ville ;
  • enfin que cette relation suivie que lui procure la Société avec un milieu savant contribue à entretenir chez lui une véritable vie intellectuelle et un besoin d’étude qu’il a toujours souffert de ne satisfaire qu’imparfaitement et qu’il tint à léguer à sa famille religieuse comme un atout essentiel.