Le local et la protection du Sacré-Coeur

1. Le problème

« J’ai dit que nos constructions étaient tout à fait insuffisantes dès nos débuts, alors que nous arrivions à peine au chiffre de cinquante. Mais, après 1849, nous étions tous les dimanches plus de cent, et ce nombre devait probablement augmenter. La chaleur, la réverberation du soleil, le mistral, que nous recevions de première main, le pluie, le froid, rendaient notre local inhabitable pendant la plus grande partie de l’année. Mais comment songer à bâtir ou à planter, tandis que tous les six mois nous pouvions être mis dehors, sans aucune indemnité » (Annales.vII, pp 82-83)

2. L’occasion

« Plusieurs fois j’avais essayé de quelques démarches directes ou indirectes, mais rien ne pouvait fléchir Titius (M. Brunello), quand j’apprends, par le plus grand des hasards, que l’Oeuvre de M. Allemand est en révolution. Titius qui nous avait appelés, nous quatre prêtres, pour l’aider à vaincre le laïcisme de son Institut, qui nous avait chassés en le niant ensuite et en s’appuyant sur les laïques, trouvait enfin ces laïques plus laïques que jamais. Appuyé sur les plus jeunes membres de l’Institut, il poursuivait alors l’adoption d’une nouvelle règle, la précédente, qui était pourtant son ouvrage, ne valant plus rien du tout. Ces différends m’eussent peu touché mais j’y vis mon avantage, j’en profitai, et au plus fort de leurs disputes, je demande une nouvelle convention. » (HCFO v33, p 259)

3. La promesse au Sacré Coeur

« Qui peut raconter les anxiétés de ces trois années ? Les uns voulaient mon maintien, les autres exigeaient mon départ ; aussi pendant que j’employais tous les moyens humains pour sauver notre Œuvre, je ne manquais pas de faire tout ce qui dépendait de moi, pour mettre de mon côté Celui sans la garde duquel on travaille toujours en vain. Nous nous fondions en prières, des neuvaines se faisaient dans tous les couvents de Marseille. C’est de cette époque que date un usage dont vous devez savoir et bien retenir l’origine. Au moment où tout nous semblait perdu, nous nous adressâmes avec plus de ferveur que jamais au Coeur Sacré de Notre Divin Maître : notre position était si triste ! Pendant ces deux ans, toutes les fois que j’annonçais en chaire une fête à mes enfants, j’ajoutais invariablement : « Pourvu que dimanche prochain nous ayons encore un asile. » Un jour donc que nous n’avions plus d’espoir, c’était le 15 août 1851, je réunis les plus fervents jeunes gens de l’Oeuvre, et en présence du bon Dieu, avec la condition formelle que ce ne serait pas un voeu, nous promîmes solennellement de célébrer, chaque premier vendredi du mois, une messe, à cinq heures du matin, avant l’heure du travail. Tous les plus fervents promirent, pour eux et leurs successeurs, d’y assister et d’y offrir au moins deux communions en l’honneur du Sacré Cœur, à condition que Dieu sauverait l’Oeuvre. Il nous exauça, et depuis nous n’avons jamais manqué à notre promesse, car les communions, d’année en année, deviennent toujours plus nombreuses à ces premiers vendredis. » (Annales vII, pp 83-84)

Les « Souvenirs de l’Oeuvre » (v9, p 27) nous donnent le texte de la promesse.

« Le 15 août 1851, les membres de la Réunion du Sacré Coeur ont résolu de réciter tous les jours les Litanies du Sacré Coeur pour obtenir de Notre Seigneur Jesus-Christ la réussite d’un projet qui doterait l’Oeuvre d’un local. Si ce projet réussit, tous s’engagent, cependant sans obligation sous peine de péché, à offrir au Sacré Coeur de Notre Seigneur deux communions le Premier Vendredi de chaque mois, comme marque de leur reconnaissance. Victor (Bouisson) fut désigné par ses camarades pour signer au nom de tous. »

Ce texte a été relevé sur l’original (Cahier de la Réunion du Sacré Coeur p.44), qui porte la signature autographe de Victor Bouisson.

4. La Convention du 19 mars 1852

Le Journal de l’Oeuvre (v47, p 125) , à la date du vendredi 19 mars 1852, dit ceci :

« (Après le chapelet) M.le Directeur est monté en chaire et a annoncé une bonne nouvelle que l’Oeuvre était assurée pour un grand nombre d’années, que le matin après la Messe la Convention avait été signée à des conditions avantageuses. Puis M. le Directeur nous a engagés à bien remercier St Joseph, puisque c’est par son intercession auprès du Coeur adorable de Notre Seigneur Jésus Christ qu’il nous a obtenu cette grâce. »

L’HCFO (v33, p 259) explique :

« Je ne pouvais mieux choisir le moment (pour demander la nouvelle convention à l’Oeuvre Allemand) indifférents, amis, ennemis, aucun ne voulut se mettre une nouvelle affaire sur le dos, tous eurent le même besoin de se débarrasser de moi, et le 19 mars 1852, nous signions cette nouvelle convention, à peu près semblable à la première, mais qui me concédait enfin quinze années de bail. Il fallut longuement disputer sur ce terme ; je demandais vingt ans, Titius n’en voulait que dix ; au dernier moment, pour en finir, il fallut réduire à 14 ans 1/2, c’est à dire fixer le point de départ au 29 septembre précédent. Titius se contentait de ces petits succès.

[Précisément parlant, la nouvelle convention] m’assurait la jouissance du local jusqu’au 29 septembre 1866. C’était un véritable bail, que je payais tout d’un coup avec 25.000 francs de constructions. Nous étions bien loin, on le voit, des premiers accords qui m’avaient appelé à l’Oeuvre ; mais enfin j’obtenais un double résultat des constructions indispensables, faites à mes frais, mais l’assurance de vivre quatorze ans, car mon bail payé, je me croyais inattaquable pendant tout ce temps. » (Annales vII, p 83)