L’oeuvre de la rue d’Oran

En donnant au bon Dieu notre plus belle salle pour en faire sa demeure, nous donnions presque tout le local, et l’œuvre restait assez mal installée. La cour était magnifique, il eût été difficile d’en trouver une plus belle ; mais elle était sans ombrage. Cet inconvénient était peu sensible au mois de novembre, mais intolérable pendant les grandes chaleurs de l’été ; en revancher il nous fallait un abri pour les jours de pluie qui, cette année, furent très nombreux, et pour les soirées d’hiver, car nous nous réunissions tous les soirs. Le hangar était à l’extrémité de la cour, on ne pouvait y parvenir quand il pleuvait ; d’ailleurs ses fragiles cloisons résistèrent peu longtemps, Le vent éteignait les lampes ; la poussière, formée par les débris des maçons, nous aveuglait. Dans la petite maison contigüe à la chapelle, il y avait au premier une chambre pour le concierge et un salon suffisant pour y faire jouer une trentaine d’enfants. La nécessité nous rendit industrieux et une petite cave éclairée par deux soupiraux, plus étroite que le plus petit de vos salons d’aujourd’hui, réunit les tapageurs qui préféraient les plaisirs bruyants. Les plus anciens se rappellent cette modeste installation ; d’ailleurs cette maison subsiste encore ; elle peut vous dire, par ses petites proportions, combien nous y étions à l’étroit.

Je vous ai fait connaître la misère et la gêne de nos débuts, afin que vous puissiez mieux apprécier combien nous avons été, plus tard, les enfants gâtés de la Providence. Le principal, dans une Oeuvre, c’est d’installer le bon Dieu le mieux possible, dans la chapelle la plus convenable. Cet usage est devenu de tradition parmi nous, et plus tard, quand nous bâtîmes notre belle église, nous nous contentâmes pour nous d’une loge de francs-maçons en ruine et fort incommode, pendant que nous n’épargnions rien pour le bon Dieu. L’esprit de foi, de piété, de religion le demande, et d’ailleurs qu’y avons-nous perdu ? Dieu ne nous a-t-il pas toujours bénis en proportion de l’amour et de la dévotion que nous lui avons montrés ? La suite de ce récit le fera bien voir.

extrait des Annales, volume 1, page 67-68