« Ma naissance » par le Père Timon

Je suis né le 29 janvier 1823 à quatre heures du matin dans la maison de mon père aux Allées de Capucines n° 19, aujourd’hui n°29. Mon père me déclara à la Mairie à 9 h, témoins mon oncle Jean Baptiste et M. Marseille Porry courtier de commerce.

Je fus ondoyé par M. Gallician à 7 h. du matin, ai je entendu dire, et je le crois facilement, tant mon respectable père était exact et toujours pressé dans l’accomplissement de tous ses devoirs, La cousine-germaine de mon père, M. de Victoire de Foresta se trouvait en ce moment à la maison, elle me tint sur les fonts dans cette circonstance, ce qui fait que je l’ai toujours appelée marraine, mais à tort puisque l’Eglise n’admet pas de parrain ni de marraine à l’ondoiement.

Les cérémonies me furent supplées le 23 juin suivant dans i’ncienne église de St Vincent de Paul, ou plutôt, d son vrai nom de St Pierre, car elle a été jadis consacrée sous ce vocable. Mon parrain fut, je copie l’acte de baptême, M. Joseph Marie M(arqu)is de Foresta, Chevalier de Malte et de la Légion d’honneur, Préfet du Finistère, représenté par son frère Marie Paul Augustin de Foresta, Conseiller à la Cour d’Aix, tous deux cousins germains de mon père ; et la marraine, dame Claire Julie de Foresta, née de Rémusat, tante de mon père et mère de mes parrains. De nombreux témoins signèrent mon acte de baptême, Timon David (mon père), Rémusat Vve de Foresta, de Foresta par procuration, Collet Timon David (ma mère), Timon David (mon frère aîné), Jules Timon David (mon 2nd frère), Louis Timon David (mon 3ème frère âgé d 7 ans), Jean B. Timon David (mon oncle), Gatan Jouèna (horloger qui était notre locataire aux Allées et notre ami), Julie Girard du Demaine, Cécile Girard du Demaine (mes cousines issues de germain), Timon David neveu (Alphonse, fils de Pierre, mon cousin germain), Joseph Gallician, prêtre vicaire.

Mon père, avec son exactitude ordinaire, prit immédiatement expédition des deux actes que j’ai sous les yeux et qui m’ont servi dans toutes les circonstances de ma vie où j’en ai eu besoin..

Mon 4éme frère Félix, alors âgé de quatre ans, prétend se souvenir de la cérémonie de mon baptême, où il était certainement présent. Voici pourquoi tant de témoins assistèrent à cette fête.

Mon père gagnait alors quelque argent dans sa Cie d’assurances maritimes, un peu d’aisance était revenue dans la maison ; il était évident, vu le grand âge de mon père, alors dans sa 69éme année, que je serai son dernier enfant ; la position de mes parrains donnait encore plus d’éclat à cette solennité ; on résolut donc de la faire avec grande pompe, autant que le comportait notre position et, chose inouïe dans ma maison, au retour de l’Eglise il y eut une belle collation pour laquelle mon père sortit son plus beau linge et sa vaisselle de Chine ; c’était le seul luxe de ma famille, mais il était vraiment considérable à cette époque.

[…] Mon père […] était fou de bonheur. J’étais né à 4 heures, ai je dit : à cinq heures, en plein hiver, il allait sonner à toutes les portes de ses neveux, pour leur annoncer la grande nouvelle. On était habitué à ces excentricités. A 7 h. j’étais déjà ondoyé. Mon père ne savait pas ce que c’était qu’un ajournement ; si le baptême fut renvoyé, c’est que mon parrain avait promis de venir, ce qu’il ne put faire, retenu par ses fonctions. Telle fut l’histoire de ma naissance, prévenue des bénédictions de Dieu et par ma consécration à la Sainte Vierge et par les prières de ces deux bons pretres. Les graces postérieures de la vie sont presque toujours annoncées par ces graces premières. Quel don de Dieu d’avoir eu des parents chrétiens ! Je n’avais rien à désirer du côté de mon père, pas plus que de celui de ma mère, jamais je n’en remercierai trop la divine Providence. Plus tard j’ai pu faire la contre-épreuve, car presque tous les insuccès de ma vie dans la direction des jeunes gens, sont venus du manque de ces bases premières, le sang chrétien, la naissance chrétienne, la première éducation chrétienne, qui leur manquent presque à tous.

Ma mère, malgré ses 40 ans, voulut me nourrir elle même. C’était une grave imprudence ; né d’un père si âgé et d’une mère sur le retour, j’étais excessivement chétif, très maigre, mais cependant plein de vie. Le lait de ma mère ne me convenait sans doute pas, car je ne cessais de crier et de vomir tout ce que je prenais. Un jour, à La Viste, Melle Thomas, depuis Mme de Decormïs, lassée de mes cris, me fit têter la fermière de mon oncle, Néné Jeanne et continua pendant les huit jours de notre séjour à la campagne, sans que ma mère s’en doutat. Ce fut pour moi une résurrection, mes cris cessèrent, je ne vomis plus ; peut-être l’air de la campagne fit-il autant que ce changement transitoire de lait…