Timon-David Ultramontain

Voici, racontée par le Père, la manière dont M. Galais contribua (à son corps défendant !) à faire l’abbé Timon-David ultramontain*.

Un abîme me séparait de M. Galais. De ce temps, les Sulpiciens étaient loin d’être irréprochables pour la doctrine. Il y avait un commencement de retour, mais incomplet. M. Baudier était ultramontain, mais c’était un homme de peu de valeur. M. Lehir, très savant homme, était du même camp, mais très probabilioriste, ennemi du probabilisme de Saint Liguori. Du reste, ces opinions papistes s’affirmaient timidement. Le gros de la Compagnie était gallicane avec M. Carrière en tête. M. Galais était leur trompette éclatante. Comme nous nous aimions beaucoup, à toutes les récréations nous étions ensemble et neuf fois sur dix nous disputions sur les Quatre Articles**. Ce pauvre homme, qui avait peu de santé, s’essoufflait, s’épuisait à me convaincre ; je lui tenais tête, réfutant ses graves et lourds arguments par des saillies qui le désespéraient, mais le faisaient rire ; « Vous êtes un enfant, me disait il, on ne peut discuter avec vous » ; et toujours il recommençait, pendant plusieurs heures quelquefois, aux promenades d’Issy.

Notre grand champ de bataille était ordinairement la Bréviaire Romain, que je défendais avec ardeur en droit et en fait, lui défendant de même son bréviaire parisien. Il n’était bruit au séminaire que de nos débats, tout le monde en riait.

Un jour qu’on avait lu au martyrologe la fête de St Gallican martyr, je persuadai à l’angélique de Beuvron,mon ami, que c’était la fête de M. Galais, et en pleine cour il fut lui porter un bouquet et ses voeux. M. Galais se fâcha un peu, mais nous n’en fûmes pas moins amis.

M. de Ségur avait fait une délicieuse caricature, pleine d’esprit, que j’ai conservée. Tous les portraits étaient frappants de ressemblance.

18.Timon-David Ultramontain

Ultramontains et Gallicans

  • Pie IX était sur son trône, M. Baudier et moi, le Bréviaire Romain sous le bras, montions la garde à ses cités, l’épée à la main.
  • St Pierre et St Paul volaient en l’air, protégeant le Pape ;
  • le spirituel M. Lehir, assis aux pieds du Pape, faisait un pan de nez à ses adversaires.
  • En face, M. Galais, sur une haridelle en bascule qui n’avançait ni ne reculait, menaçait le Pape de sa plume en forme d’épée. Par respect, son bouclier cachait son visage, mais on le reconnaissait à sa pèlerine et à son inévitable tricorne que lui seul portait dans la maison.
  • Quatre enragés gallicans séminaristes s’élançaient avec lui contre le Pape, j’ai oublié leurs noms et n’ai retenu que celui de l’abbé Cognat, qui ne s’est pas démenti quand il a rédigé plus tard l’Ami de la Religion ou le Français.

Jamais M. de Ségur n’avait mieux réussi dans ses nombreuses caricatures. Nous étions fort amis et l’avons toujours été. C’était un très parfait séminariste quoique non mystique, plus âgé que moi, mais plus jeune séminariste, sa vocation s’étant déclarée plus tard. M. Lerebours, M. Richard, M. de Girardin et tant d’autres étaient aussi mes bons amis, mais surtout M. Terrisse avec qui nous faisions les plus folles parties de rire, et M. Chaillot alors ultramontain… !

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* Ultramontain : En France, l’ultramontanisme est un courant de pensée favorable à la supériorité du pouvoir du pape (au-delà des mont(agne)s, en Italie, à Rome) sur le pouvoir royal, par opposition au gallicanisme. À partir du XVIe siècle, ce courant est surtout le fait des jésuites, des ligueurs, et des dévôts. Il s’impose définitivement au cours du XIXe siècle. 

**Les Quatre Articles : La déclaration des Quatre articles est mise au point par Jacques Bénigne Bossuet en 1682. Elle est adoptée par l’assemblée extraordinaire du clergé de France réunie au moment de l’affaire de la régale.

Les articles sont : 1) Les princes ne sont pas soumis à l’autorité de l’Église dans les choses temporelles. 2) L’autorité du pape est limitée par celle des conciles généraux. 3) L’autorité du pape est limitée par les lois et coutumes du roi et de l’Église de France. 4) L’opinion du pape n’est pas infaillible, à moins qu’elle ne soit confirmée par l’Église.

Ces articles posent les grands principes du gallicanisme, doctrine sans dénomination propre à l’époque, qui défend les particularités françaises face au pouvoir de Rome. Enregistrés par le Parlement, ils deviennent doctrine officielle et sont enseignés dans les facultés et les séminaires.

(sources wikipédia)